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Fin de la disparité des règles de délai en contentieux indemnitaire de travaux publics

Fin de la disparité des règles de délai en contentieux indemnitaire de travaux publics

Auteur : ROUSSE Christian
Publié le : 10/03/2014 10 mars mars 03 2014

Le requérant qui invoque un dommage de travaux publics est recevable à contester la décision lui opposant la prescription quadriennale plus de 2 mois après sa notification.

CE sect. 6 déc. Commune d'Etampes
Cette solution inédite résulte d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 6 décembre 2013, commune d'Etampes, n° 344062, dont la principale portée est de mettre fin à la disparité qui persistait depuis plus de 30 ans au sein des délais de recours applicables en matière de contentieux indemnitaire de travaux publics.

1. Affaire à l'origine de cet arrêt
A l'origine de cette décision, le propriétaire d'un immeuble affecté de désordres provenant de la rupture d'une canalisation publique d'évacuation des eaux usées, avait, après plusieurs expertises judiciaires, demandé à la commune d'Etampes, maître de l'ouvrage à l'origine du sinistre, une indemnité correspondant au coût des travaux de remise en état.

La commune d'Etampes lui avait alors refusé toute indemnité en lui opposant la prescription quadriennale de la créance dont il prétendait se prévaloir.

Près de quatre mois après la notification de cette décision, l'intéressé décida d'introduire un recours indemnitaire devant le Tribunal administratif de Versailles.

Ce recours fut rejeté par le Tribunal au motif que la décision de la commune opposant la prescription quadriennale n'a pas été attaquée dans les délais de recours contentieux de deux mois qui lui est applicable.


2. Un revirement de jurisprudence du Conseil d'Etat
Saisi de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles qui avait annulé ce jugement et accordé l'indemnité augmentée des intérêts moratoires, le Conseil d'Etat confirme la recevabilité du recours dans les termes suivant :

"Le délai de deux mois [droit commun fixé par l'article R.421-1 CJA] ne s'applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics, même lorsqu'elles sont dirigées contre une décision notifiée au demandeur ;

Qu'un recours relatif à une créance née de travaux publics entrant dans le champ de cette exception, la notification d'une décision par laquelle l'autorité compétente rejette une réclamation relative à une telle créance ne fait pas courir de délai pour saisir le juge ; que la circonstance qu'une telle décision est fondée sur la prescription de la créance est sans incidence à cet égard ".

Le Conseil d'Etat admet ainsi pour la première fois qu'un recours dirigé contre une décision administrative opposant la prescription quadriennale est recevable au-delà du délai de droit commun de deux mois à condition que la créance en cause soit une créance née de travaux publics.

La Haute juridiction met ainsi fin à une jurisprudence ancienne et persistante au terme de laquelle les juridictions administratives jugeaient que le délai de recours contentieux de deux mois était "applicable aux demandes dirigées contre les décisions opposant la déchéance quadriennale, même si la créance à laquelle est opposée cette déchéance intéresse la matière des travaux publics ".

(CE, 31 mai 1972, Ville de LIMOGES n° 79437)

Cette jurisprudence ancienne avait introduit une certaine disparité au sein des délais de recours applicable en matière de contentieux indemnitaire de travaux publics.

De façon prétorienne, elle consistait en effet à enfermer le justiciable dans ce délai de deux mois chaque fois que l'administration prétendait pouvoir se prévaloir de la prescription de la créance invoquée par le justiciable.

Cela alors même que le contentieux indemnitaire de travaux public est légalement affranchi du délai de recours de deux mois.

Cela alors même que l'objet du litige relève par essence du plein contentieux et non de l'excès de pouvoir.

Désormais, un seul et unique délai de recours contentieux est applicable en matière de contentieux indemnitaire de travaux publics : le délai de prescription quadriennale qui commence à courir le 1er jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.

(Art. 1 loi n° 68-1250 du 31 déc. 1968)


3. Ce qu'il faut en retenir
En matière de dommage de travaux public, la notification d'une décision de refus d'indemnisation par l'administration ne fait courir aucun délai pour saisir le juge, y compris si cette décision oppose la prescription quadriennale.





Cet article n'engage que son auteur.

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